Création d’un collectif citoyen : S’attaquer à la dette
CHARLEVILLE-MEZIERES (Ardennes). Enarque, haut-fonctionnaire et membre d’Attac depuis 1998, Christian Celdran sera au Baratin ce mercredi pour parler de la dette publique différemment. Il invite en outre les citoyens à constituer un collectif pour un audit de cette dette.
Christian Celdran, vous avez été haut-fonctionnaire pour le ministère des Affaires sociales, quel est votre rôle au sein d’Attac ?
« J’appartiens à Attac depuis 1998. Jusqu’en 2002, j’ai été président d’Attac dans le 15e à Paris. Je suis membre du conseil scientifique d’Attac, un groupe de citoyens aux compétences techniques, mais nous fonctionnons d’abord comme des citoyens actifs plus que comme des experts. Notre propos est de défendre l’intérêt général. Nous sommes des républicains désireux de maintenir l’égalité entre les citoyens. Je suis aussi membre du collectif national pour l’Audit citoyen de la dette publique. »
Vous organisez une conférence-débat sur la dette publique. C’est un sujet compliqué à comprendre sans connaissances spécifiques ?
« C’est un problème rendu compliqué. Le sujet est apparemment technique mais en fait essentiellement politique. Depuis un an et demi, la dette est utilisée pour orienter l’opinion publique et faire admettre des choses pas forcément fondées. Nous voulons éliminer un certain nombre de faux problèmes ; par exemple, la dette n’est pas mauvaise si elle est saine. Il faut s’approprier ce problème, c’est pour ça que nous organisons des réunions locales, afin d’avoir une vision responsable et assumée. »
Demain soir, avec d’autres organisations (*) vous allez créer un collectif ardennais pour l’Audit citoyen de la dette publique. Qu’est-ce que c’est ?
« Le collectif national pour l’Audit citoyen de la dette publique s’est créé en octobre 2011 sur proposition des Économistes atterrés (www.atterres.org). En 2008, après la crise des subprimes, ces universitaires ont publié un manifeste et décidé d’intervenir dans le débat public avec un point de vue divergent du courant dominant néo-libéral (marqué par un consensus droite/gauche).
Comprendre et se mobiliser en un collectif permet de créer un rapport de force politique. Plus il y a de comités de citoyens informés, plus ce rapport de force se construit. En tant que contribuables, les citoyens veulent avoir des renseignements sur ce qu’est la dette.
Qui en est détenteur ? Le gouvernement considère que cela relève du secret bancaire alors que c’est de l’argent public. Cela intervient dans le droit fil du référendum de 2005. Le non est passé à 54 % mais le traité de Lisbonne a contourné ce vote. Il y a eu un déni de démocratie en France. »
Quelles sont vos solutions pour enrayer la dette ?
« Le courant dominant ne rend pas compte de la réalité économique notamment des inégalités […]. Il y a une origine de la dette publique liée à la compression des ressources depuis plus de 20 ans. Les impôts sont prélevés sur une base réduite. Il existe des richesses mais elles ne sont pas imposées. La crise des subprimes en 2008 est une crise de la dette privée. Les banques ont été renflouées par les États. Nous considérons que ce financement est illégitime. Les dépenses publiques ne sont pas à l’origine de la dette et en plus on est en train de détruire les services publics (école, hôpitaux, Afpa, ONF, etc). On privatise. Ça coûte plus cher et ça dégage des bénéfices. On fait du bénéfice sur la satisfaction des besoins de base.
Il faut modifier la politique fiscale. L’État devrait contrôler le système financier et le réguler ; avoir sous son contrôle la Banque Centrale Européenne (BCE), ce qui pose la grande question de la gouvernance de l’Europe, et l’État devrait financer l’économie avec une politique convenable : éviter les paradis fiscaux, les rentes et les niches fiscales. Le problème est de réindustrialiser dans une logique de transition environnementale avec des investissements localisés. »
Vous roulez pour Mélenchon ?
« Notre problématique trouve un point d’intérêt avec l’actualité présidentielle et rejoint Mélenchon, mais notre travail n’est pas de faire de la pub pour Mélenchon. Notre travail d’éducation citoyenne va au-delà. Nous voulons comprendre et agir pas seulement tous les cinq ans. C’est un travail de fond et après la présidentielle, nous serons toujours dans un contexte néolibéral. »
Quels sont les prochains rendez-vous ?
« Une réunion de coordination des initiatives d’audit est prévue à Bruxelles le 7 avril afin de coordonner les initiatives autour de la dette. le 19 mai une manifestation européenne aura lieu devant la BCE à Francfort avec le comité pour l’audit citoyen de la dette et les Indignés. Autre rendez-vous en juin, avec le lancement d’un tribunal de la dette dont le réquisitoire sera rendu public à la rentrée. »
Propos recueillis par Nathalie DIOT
http://www.lunion.presse.fr/article/ardennes/creation-dun-collectif-citoyen-sattaquer-a-la-dette