Témoignage, Gens du voyage, le cas de Vouziers « On en a marre »

« On en a marre »

Les gens du voyage de Vouziers, installés sur la zone industrielle, nous ont confié leur quotidien.

19H, jeudi 25 octobre sur le camps des gens du voyage de Vouziers. Il commence à faire frais. La rosée humidifie le sol et la terre, sous l’herbe, est déjà de la boue. Quelques têtes timides sortent des caravanes. Une adulte adresse un bonjour. Sinon, il n’y a que des enfants. Ils en ont gros sur le coeur. « On vit dans la boue. On doit se laver tout le temps. Et puis, il y a des rats. »
Au milieu, une petite fille, elle, a les mêmes préoccupations que n’importe quel enfant : « C’est quand les vacances ?, questionne-t-elle. Parce que ça va être Halloween. Je vais me déguiser en sorcière et aller chez les gens ! »

« Vous avez vu dans quoi on vit ? »

Deux adultes devaient venir à notre rencontre. Personne à l’horizon. Après 45 minutes d’attente, une d’entre elles, Marie*, 20 ans, arrive en voiture. Elle s’excuse : « Je suis vraiment désolée pour le retard. Ma petite de deux ans était malade j’ai dû l’emmener à l’hôpital ». Revenue sur le camp depuis trois mois, elle affirme qu’elle a dû emmener sa fille six à sept fois à l’hôpital. « Vous avez vu dans quoi on vit ? Les petits attrapent toujours quelque chose. » La conversation s’enclenche.
Corine*, 40 ans, sort finalement de sa caravane. Prévenue de notre arrivée, la veille, elle ne s’était pas montrée tant que Marie n’était pas revenue de l’hôpital. Les gens du voyage nourrissent une certaine méfiance vis-à-vis de la presse. « Avec tout ce qu’on dit sur nous dans les médias… », lâche-t-elle. « Vous savez, ici, c’est comme partout. Il y a des gens bien et il y a les autres, les gens de Vouziers disent qu’on est sales mais vous pouvez venir voir dans ma caravane, il n’y a pas une poussière ! », ajoute Marie.
Fatiguées de souffrir des clichés, elles préfèrent aujourd’hui rester dans leur coin. « On est polis, on dit ‘bonjour’ mais on nous appelle ‘gitans’ ou ‘manouches’… Alors que les autres gens de Vouziers restent là-bas et nous ici et personnes ne s’embête. »
Sur le camp, il y a trente personnes, réunies dans sept caravanes. Il n’y a que des femmes (et des enfants) et elles doivent se débrouiller au quotidien mais ce n’est pas facile. Au centre, se trouvent une machine à laver, un four, un frigo. Les câbles électriques raccordés à une borne non loin de là sont posés à même le sol. « Regardez ça ! », lance Corine, en nous montrant sa jambe : « Le courant à sauté l’autre jour. J’étais bien obligée de le remettre. Je me suis brûlée… »

« L’autre fois, ça a pété de partout. Ça a même commencé à prendre feu. »

« L’autre fois, ça a pété de partout. Ça a même commencé à prendre feu. On a déjà cassé plusieurs machines. On demande des aides et on en reprend d’autres », ajoute Marie, blasée. Leur demande est simple : s’installer le plus tôt possible sur l’aire d’accueil, « C’est bien, c’est propre. On ne serait pas dans la boue comme ça. » Elles affirment que personne ne leur donne une vraie réponse quant à la date d’ouverture de cette fameuse aire d’accueil. « A chaque fois qu’on y va, on nous dit que ce sera dans deux mois, raconte Marie. On veut que ça ouvre. Là-bas, on aura de l’électricité, les douches, de l’eau chaude… Ici, on ne nous ramasse même pas les poubelles… ça s’entasse là-bas. Il y a des chats qui viennent ouvrir les sacs… »
Parfois, elle ont honte de vivre comme ça. « Les enfants sont sales. Ils arrivent à l’école le pantalon plein de boue », s’énerve Corine. « Ma petite, le ne la laisse pas sortir parce que je ne veux pas qu’elle tombe malade. Et puis là il fait nuit on ne le voit pas mais il y a plein de rats. Je ne veux pas que ma gamine se fasse mordre. On fait aussi attention avec les câbles électriques », rappelle Marie avant d’expliquer que, pour souffler un peu, elle l’emmène souvent au parc. « Même si je dois toujours la surveiller, elle peut courir et aller où elle veut. Je ne suis pas tout le temps en train de la tenir pour être sûre qu’il ne lui arrive rien. »
Et si le tarif était cher, elles affirment qu’elles iraient de toute façon sur l’Aire d’accueil car elles sont à bout. « On ne veut pas quitter Vouziers, Madame, on est né ici, c’est notre pays. C’est pour ça aussi qu’on n’est pas allé sur une autre aire d’accueil. Et puis, les autres sont chères ! » Très attachées à leur ville, elles concluent, dégoutées : « Je ne comprends pas, ça a l’air fini. On nous dit qu’il n’y a pas encore l’électricité mais au moins, pn serait dans un endroit propre. De toute façon, dans un mois, il va commencer à neiger. Qu’ils le veuillent ou non, on ne restera pas ici dans la boue avec les petits ! »
Orianne Roger
*Prénoms d’emprunt.

Les poubelles ne sont pas ramassées.

Pensez-vous que l’ouverture d’une aire d’accueil apaisera les tensions entre gens du voyage et riverains

Vouziers
“Pour ma part, je n’ai jamais entendu parler de tensions avec les gens du voyage. Je n’habite pas très loin du camp. Quand ils passent près de chez moi, ils disent bonjour, comme tout le monde. Si toutefois, il y a eu des problèmes avec des riverains, l’aire d’accueil pourrait apaiser les choses. Et puis, ce serait bien pour eux aussi, pour leur confort. Il faut les comprendre aussi. Après, on n’a pas tous le même avis. »

Article publié dans la Semaine des Ardennes :

http://www.lasemainedesardennes.fr/

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