Natura 2000 : convaincre les exploitants après l’inventaire
VOUZIERS (Ardennes). Fin d’inventaire pour les sites Natura 2000 des vallées de l’Aisne et de l’Aire. Reste à sensibiliser les exploitants agricoles sur la préservation des espèces répertoriées.
Des exploitants en blouse et des piafs pour patients… La nouvelle étape est en vue au cœur du dispositif Natura 2000 dans l’Argonne ardennaise.
Après deux ans d’étude et d’observation, l’inventaire écologique et socio-économique vient d’être bouclé sur deux des sites retenus : Confluence des Vallées de l’Aisne et de l’Aire (n° 209), et Vallée de l’Aisne à Mouron (n° 210)*.
Ce travail, réalisé en partenariat avec la Ligue de protection des oiseaux et le Regroupement des naturalistes ardennais (Renard), était présenté mercredi soir lors d’une réunion d’information à Grandpré.
De nombreuses espèces plus ou moins menacées ont ainsi été répertoriées, tels le courlis cendré, les milans royal et noir, la pie-grièche écorcheur et le petit gravelot. Quant au râle des genêts, cette « espèce emblématique de la vallée de l’Aisne » a actuellement disparu du secteur visé.
« Pour certaines espèces en milieu humide, on a parcouru les cours d’eau en canoë, mais ils volent plus vite que nous pagayons ! Dans l’ensemble, ce n’est pas facile d’avoir des mesures précises, ce sont plutôt des fourchettes », relevait Ariane Dupéron de l’association Renard, soulevant notamment la présence de 7 à 13 couples de martins-pêcheurs.
Véritable état des lieux, le document d’objectifs réalisé (et validé en comité de pilotage) s’attache aussi à définir les menaces et proposer des mesures pour la préservation des richesses des sites. Reste désormais à entamer la phase de sensibilisation.
« Sur ces ZPS (zones de protection spéciale), le milieu agricole représente la majeure partie et l’un des grands enjeux est d’encourager à développer les pratiques agricoles respectueuses de la biodiversité », commentait Christophe Hervé, chargé de mission (et futur directeur) de la LPO Champagne-Ardenne.
Fauche tardive sur une partie des parcelles, installation de nichoirs, information sur l’utilisation raisonnée des produits sanitaires, préserver les haies et bosquets, conserver certaines plantes considérées comme indésirables… Les mesures dégagées sont multiples et parfois peu contraignantes. Mais admettons que le dispositif ne jouit pas d’une côte de popularité transcendante parmi les agriculteurs.
Des mesures pour quel impact ?
« Au début, le projet a été mal amené », commentait un agriculteur dans l’assistance peu fournie. « Les zones remarquables retenues devaient nous honorer et finalement on nous a tapé sur les doigts et on a bien vu qu’on avait des raisons d’être méfiants. »
Toutefois, le travail déjà effectué depuis cinq ans sur un autre site Natura 2000 (le site 53 situé entre Brécy-Brières et Voncq et Attigny et Rethel) semble indiquer que la démarche a fait du chemin dans l’esprit de certains agriculteurs depuis.
« C’est la chambre d’agriculture qui était en charge de l’animation sur ce site et nous ne disposerons des éléments d’analyse des effets des mesures prises qu’à partir de fin 2013. Mais, sur les 178 exploitants présents sur ce site de 4 242 ha, 71 se sont engagés dans des mesures environnementales », notait Nicolas Villerette, chargé de mission Nature à la com’com de l’Argonne ardennaise (2C2A). « Natura 2000 souffre de cette image un peu lointaine mais ça a fait du chemin et tout se fait sur la base du volontariat. »
Chargée de l’animation du document d’objectifs sur les deux sites des vallées de l’Aisne et de l’Aire, la 2C2A informera prochainement les usagers et la centaine d’agriculteurs visés, notamment sur la gamme de contrats (rémunérés sur cinq ans) proposée. L’impact de l’action sur la biodiversité devrait par ailleurs être évalué tous les trois ans.
* L’Argonne ardennaise compte trois autres sites Natura 2000 : Marais de Germont, Prairie d’Autry, Prairies de la vallée de l’Aisne et le site du lac de Bairon.
Article paru dans l’Ardennais du 30 novembre 2012 :