Agriculture : les produits locaux ont la cote

Agriculture : les produits locaux ont la cote

REGION. De plus en plus de consommateurs veulent manger local, et savoir d’où viennent les produits. Les producteurs, convertis à la vente directe et de proximité, parviennent à répondre à ces attentes, tout en étant compétitifs.

Les circuits courts sont-ils en train de court-circuiter les grandes surfaces ? Après des décennies marquées par les assauts des hypermarchés des périphéries, les petits commerces urbains ont commencé à prendre leur revanche sur leurs prédateurs. C’est la mode des petites enseignes « market » et « city » qui fleurissent dans les centres-villes. Mais la campagne et ses produits locaux viennent aussi mettre leur grain de sel.
Après les « cueillettes », les ventes directes à la ferme, les réseaux d’Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), une nouvelle génération de commerces apparaît. L’idée est d’utiliser des méthodes commerciales modernes pour distribuer des produits locaux de qualité. L’exemple le plus édifiant est le « drive fermier » tout bonnement inspiré de la dernière trouvaille des grandes surfaces conscientes que leurs clients sont lassés de pousser leur chariot pendant des kilomètres.

Une question de traçabilité et de goût retrouvé

Le développement de la vente directe répond à plusieurs aspirations des citoyens. D’abord, ils veulent manger plus sain, savoir d’où viennent viandes, fruits et légumes et comment on les a produits. S’approvisionner auprès du producteur « du coin » est une façon de vérifier par soi-même, dans un monde marqué par les scandales alimentaires liés aux pratiques peu scrupuleuses des industriels
Mais il y a aussi une question de goût retrouvé, celui de la tomate cueillie à maturité ou du poulet élevé au grain. Le plus étonnant, c’est qu’un rapide comparatif nous montre que ces produits fermiers sont compétitifs en termes de prix. Et ce n’est pas la moindre des clés du succès.

Dossier Julien Bouillé

Article paru sur l’Ardennais du 23 avril 2013:

http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/agriculture-les-produits-locaux-ont-la-cote

Prix : L’hyper n’est pas gagnant

Faut-il payer plus pour avoir de meilleurs produits avec en prime le sourire de la crémière ou la poignée de main de l’apiculteur ? Bien souvent non. A Sedan, les Bosserelle peuvent en témoigner. Maraîchers de génération en génération sur les terres du Fond de Givonne, ils ont ouvert un magasin de détail tout près de leur exploitation. Les produits viennent de leurs 40 hectares de champs dédiés au maraîchage et les prix sont attractifs. En saison, on trouve du chou à 1 € pièce, des bottes de radis à 80 centimes ou des carottes à 70/80 centimes le kilo. « Notre objectif est d’être au prix juste. On ne veut pas être plus chers que les grandes surfaces quitte à être un peu en dessous si l’on peut », explique Thierry Bosserelle, l’un des associés familiaux d’une exploitation qui fait également dans la grande culture. Producteurs locaux, les Bosserelle ne sont pas contre la grande distribution et pour cause, puisqu’ils livrent les hypers et supers ardennais ou rémois depuis quarante ans. Et c’est en faisant du volume (220 000 salades et 75 000 choux par an par exemple) que la famille arrive à concilier proximité et prix.
Les huit exploitants associés de l’Aire à Grange, un « point de vente de collectif » du Châtelet-sur-Retourne, dans les Ardennes à vingt-cinq minutes de Reims, ne travaillent pas avec les «GMS». Avec une quinzaine d’autres producteurs adhérents qui déposent eux aussi leurs produits contre une commission de 8 %, ils vendent quasiment exclusivement en direct aux consommateurs.

A qualité égale, le produit de ferme est souvent moins cher

Dans ce que l’on pourrait appeler une supérette fermière, les prix ne sont pas forcément plus élevés qu’en grande surface. Le poulet fermier de Véronique Douzamy, élevé au grain de l’exploitation en plein air, pendant 120 jours (c’est 90 jours pour le Label Rouge), est affiché 6,90 € le kilo. Dans un hyper situé à vingt minutes du Châtelet-sur-Retourne, on peut relever un poulet de Loué Label Rouge à 7,56 € le kilo. Le fermier de marque générique affiche 5,20 € le kilo.

Pour les œufs, l’avantage « vente directe » est plus net. La boîte de six œufs calibre « moyen » de catégorie 1 des 250 poules élevées en plein air de Véronique est vendue 1,40 €. En grande surface, on relève 1,69 € pour l’équivalent en Label Rouge et 1,87 € pour du bio.
La viande de bœuf (Limousine et Blonde d’Acquitaine élevée dans les Ardennes et la Marne) est concurrentielle elle aussi. À l’Aire à Grange, le filet affiche 35 € (34,20 / 33,90 € relevé en hyper), le rosbif est à 17,50 € (18,30 €/17, 50 € en hyper), le jarret à 8 € (6,90 € en hyper).
La comparaison pour le fromage est un peu moins favorable. La tome du fromager Quentin Henry est vendue 15 € le kilo contre 11,20 € en grande surface pour une tome de Savoie. Son camembert ardennais affiche 14 € le kilo, c’est près de trois fois plus cher que le « Président » vendu 5,48 € le kilo en grande surface. « Mais il faudrait comparer avec un camembert au lait cru fermier. Et quand on en trouve, je suis au même prix », assure le fromager.

Article paru dans l’Ardennais du 23 avril 2013:

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/prix-lhyper-nest-pas-gagnant

Traçabilité : On sait d’où ça vient

Depuis un mois, des responsables de la FDSEA de la Marne et des « Jeunes Agriculteurs » inspectent les vitrines réfrigérées des hypers de leur département pour vérifier l’étiquetage et l’origine des cuisses de poulet, des steaks hachés ou des côtes de porc. Le résultat de l’enquête est inégal. « En rayon libre service, dans toutes les GMS contrôlées, l’origine France est affichée, contrairement au rayon boucherie. Par contre, les logos VPF (viande de porc française) et VBF (viande bovine française) sont rarement étiquetés sur les barquettes de viande et peu utilisés en rayon boucherie, sauf chez Leclerc », ont constaté les enquêteurs.

Les patrons des magasins visités ont promis de faire des efforts. Mais étiquette ou pas, le « cheval gate » de février a rendu les consommateurs encore plus méfiants. Les adeptes de la vente directe en profitent pour faire valoir leur particularité. « On ne prend que des gens qui produisent eux-mêmes et dans la région. C’est une garantie de traçabilité », explique Quentin Henry (Aux Délices Laitiers), associé de l’Aire à Grange (lire ci-dessus) et producteur laitier à Signy-L’Abbaye. « Les gens ont l’éleveur en face d’eux, si on leur fait une cochonnerie, ils reviennent pour se plaindre », confie Véronique Douzamy, éleveuse de volailles à Bergnicourt dans les Ardennes. Faire de la vente directe, c’est aussi assurer le SAV.

Article paru dans l’Ardennais du 23 avril 2013:

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/tracabilite-on-sait-dou-ca-vient

Commander sur le web, retirer au « drive »

Acheter des carottes ou des pommes qui ont poussé près de chez soi, c’est bien, mais si cela impose de se livrer à un jeu de piste de ferme en ferme, l’intérêt est plus limité. C’est pourquoi la vente directe et le circuit court nécessitent une révolution logistique cela d’autant plus que les volumes sont parfois limités.

Pour s’approvisionner rapidement et efficacement en choux, patates et tomates locales, des chefs de cuisines collectives de l’Aisne font désormais appel à un site internet, « www.aisne-produitslocaux.fr ». Lancé à l’automne par la chambre d’agriculture en partenariat avec le conseil général, ce site met en relation acheteurs et vendeurs. Après quelques mois d’activité, quatorze collèges et une dizaine d’autres acheteurs passent des commandes en ligne auprès de 35 producteurs. Le chiffre d’affaires reste modeste mais les voisins de la Somme, partis il y a dix-huit mois, ont passé le cap des 80 000 euros.
L’étape suivante consistera aussi à proposer ce même genre de service aux particuliers.

Le « drive fermier », alternative aux Amap

Certains n’attendent pas les investissements des collectivités pour se lancer. Trois Ardennais, Nicolas Charlot, Jacques et Charles Braquet, ont créé en 2011 « Mescarottes.com », un portail et moteur de recherche qui localise les producteurs proposant de la vente directe. Il suffit de taper le nom d’une commune et de choisir les produits désirés pour obtenir les coordonnées de potentiels fournisseurs. Environ 600 producteurs sont inscrits, essentiellement de Champagne-Ardenne, mais aussi du sud de la France. Une application iPhone devrait être lancée en juin.

Pour éviter de faire trop de kilomètres, il faut aussi regrouper les produits. C’est la philosophie des « PVC », points de vente collectif. Mais un nouveau concept arrive, le « drive fermier ». Lancé en Gironde, il s’inspire du « drive » des grandes surfaces : on passe sa commande en ligne et puis l’on va chercher ses victuailles à un point de retrait. C’est une alternative plus souple aux Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) qui engagent les consommateurs adhérents à prendre chaque semaine un panier sans qu’ils aient la possibilité d’en choisir le contenu. Un projet de « drive fermier » est actuellement porté par la chambre d’agriculture de l’Aisne.

Article paru sur l’Ardennais du 23 avril 2013:

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/commander-sur-le-web-retirer-au-drive

Les exploitants qui vendent en direct s’y retrouvent-ils ?

En vendant directement au consommateur, plutôt qu’à des grossistes et à des grandes surfaces, les producteurs locaux font une bonne affaire puisqu’ils récupèrent une marge qui d’habitude leur échappe. Par exemple, le kilo de carottes vendu entre 45 et 60 centimes en hyper par les Bosserelle, maraîchers à Sedan, est affiché entre 70 et 80 centimes dans leur magasin personnel. Mais tout ne revient pas dans la poche de l’exploitant. « On estime que les frais de vente représentent entre 30 % et 40 % du chiffre d’affaires en vente directe », explique Christophe Valet, conseiller « petits fruits et légumes » à la chambre d’agriculture de Picardie. Il y a néanmoins un effet de taille. « Avec de la vente directe, on peut rendre rentable un petit atelier très rapidement alors que pour vendre aux grossistes ou en grandes surfaces, il faut une grande exploitation et de gros investissements », ajoute-t-il.

Dans certains secteurs, comme l’élevage, la vente directe est vitale. Quentin Henry, éleveur laitier, avec deux associés familiaux, produit 400 000 litres de lait par an. Mais même avec ce volume, sa marge est trop faible pour nourrir tout le monde. « Le litre de lait que je vends 30 centimes à la laiterie me coûte entre 28 et 29 centimes à produire », précise-t-il. Depuis que l’exploitation consacre 150 000 litres à la fabrication de fromages et de desserts, elle dégage suffisamment de marge pour payer 4,5 équivalents temps plein.

Véronique Douzamy, en créant son petit élevage de volaille à Bergnicourt, a créé sa propre petite entreprise en parallèle de l’exploitation agricole de son mari. Sans cela, elle serait peut-être allée travailler en ville. « La vente directe permet de retenir les gens à la campagne et d’éviter la désertification », se félicite Quentin Henry. Le circuit court crée aussi des emplois dans les commerces. Le magasin des Bosserelle a créé un emploi à Sedan. Les cueillettes sont aussi synomymes d’emploi ou de reconversion. « C’est du travail mais cela nous a permis de passer du statut d’agriculteur à celui de commerçant », indique Sophie Desmarets qui a ouvert le Jardin de Pontarchet à Ambleny dans l’Aisne. « On fait ça mais c’est un choix de vie que nous ne regrettons pas. »

Article paru sur l’Ardennais du 23 avril 2013:

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/les-exploitants-qui-vendent-en-direct-sy-retrouvent-ils

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