Buzancy : un cas d’école, en milieu rural

La campagne de Buzancy

Parents, profs, élus
La Campagne de Buzancy – Collège fermé ruralité abandonnée

Buzancy : un cas d’école, en milieu rural

Panique au collège ! Dans les campagnes reculées des Ardennes, l’heure est à la fermeture des établissements scolaires. Au programme : économies d’Etat bien sûr, mais aussi risque accru de désertification du pays. La réaction en chaîne sera lourde de conséquences en Argonne.

Mardi 12 mars : la moitié nord de la France est en alerte à la neige. De bon matin, les Ardennes s’éveillent sous la tempête et ceux qui doivent prendre la route essuient mollement la poudreuse pour aller travailler. Coûte que coûte, ils quittent la ville et traversent un à un les cantons, roulant vers une machine à café, une réunion de campagne ou une classe de 6ème qui attend quelque part. Les vacances, ce n’est pas pour demain.
Direction les blanches forêts de l’Argonne et ses plaines balayées par le vent. Sur des platanes avant le Chesne, les premiers panneaux interpellent. A gauche : « touche pas à mon collège ». A droite « collège fermé = ruralité abandonnée ». Et sur la place du village, une banderole adressée au ministre Peillon résume la situation : « collège fermé = boulangerie à vendre ». Autrement dit, plus rien ici (deux cantons, 40 communes et 4 000 habitants), c’est certain, il s’est passé quelque chose.

Solidarité rurale
«Il y a eu des rumeurs. Et puis la nouvelle est tombée en décembre, comme un couperet. L’Académie a décidé de fermer les sites du Chesne et de Buzancy ». Soit respectivement 130 et 90 élèves qui devront quitter ces villages : le Chesne pour rejoindre Vouziers (à 16km) et Buzancy pour Grandpré (13km), où se trouvent déjà les deux autres moitiés des collèges « multisite ». Une première concession faite en l’an 2000 par une dizaine d’établissement ardennais, et sinon totalement absurde, au moins très torturée. Machault, Margut, Maubert et Chaumont-Porcien n’y ont pas survécu ; le destin des autres suivra. Et c’est le maire de Bar-les-Buzancy, 120 habitants, qui l’explique. Chauffeur de bus (scolaire, en plus), Francis Potron suit ces affaires de près. « Les décisions se sont prises sans concertation avec les profs, les élus et encore moins avec les parents. La population a réagi. 500 personnes ont manifesté, soit un quart des habitants du canton. C’est énorme ». Et ça traduit bien l’esprit de solidarité qui règne ici, comme la neige a ceci de bon qu’en la paralysant… elle sublime la ruralité.
La preuve. Aujourd’hui pour Francis le chauffeur, c’est chômage technique (et de fait, pour les profs et les élèves aussi). Mais pas pour le maire ! Ce matin, il a convoyé un voisin jusqu’à l’hôpital et s’apprête à repartir chercher du pain pour tous, à 15 km. « Il y a des personnes âgées et isolées au village. Pour elles, l’hiver est long ! Tous les maires agissent comme ça. On n’a pas le choix et on renonce même aux indemnités. Ça ne durera pas ». Sur le canton de Buzancy, la densité atteint difficilement 7,4 habitants au km2, avec de très nombreux et tout petits villages ; un cadre de vie d’une rare quiétude (en été), mais où il ne fait pas bon être trop vieux… ni trop jeune.

Effet de chaîne
Alors, pourquoi on les ferme, ces collèges assurant la pérennité des campagnes ? Pour faire des économies évidemment (profs, locaux, entretien…), dès lors qu’ils n’atteignent pas 350 élèves. A terme, ne restera donc que Vouziers. Et cette mission, c’est un (courageux) homme du rectorat qui la mène, le fameux DASEN, Patrice Dutot, décrit partout comme un homme comptable et manipulateur, doté d’une vision globale écartant tout cas particulier. Le collège de Buzancy ? Pour lui c’est une « colonie de vacances » en pleine nature, un château paradisiaque pour les 14 enseignants payés en heures sup’, en plus, pour leurs aller-retours à Grandpré. Et si ces derniers se défendent d’être des « moniteurs », ils reconnaissent quand même un environnement de rêve, à protéger.
«En Lozère ou en montagne, les quotas sont moindres. A 45 élèves, on maintient les collèges sous prétexte que les transports sont dangereux. Pourquoi pas chez nous? », interpelle Francis Potron, bien en marge des combats syndicaux conduits vent debout par les profs.
« Ici, c’est tout le service public qui se délite et c’est avant tout contre ça qu’on lutte. On prône l’égalité des territoires et les nôtres sont bafoués. Si on veut attirer des familles il faut des écoles, des médecins [1 pour 1 500 habitants, pour l’instant], des antennes téléphoniques… La menace du collège fera tomber les dominos les uns après les autres ». Déjà qu’ils ne tiennent qu’à un fil… Quid, ensuite, des petits commerces où les parents passent faire une course en attendant les enfants ? « Qui va habiter le nouveau lotissement de Buzancy, si le collège ferme ? Qui va payer les travaux dans les villages ? On ne demande pas 400 emplois demain, mais gardons au moins ceux qui existent. Faute d’aménagement, on est en plein Démenagement du territoire. Alors qu’on paye tous des impôts ». Francis Potron n’a qu’une question : pourquoi faire un grand Paris, alors qu’on a tellement de place ici ?

Avenir
En cas de fermeture, à la rentrée 2013 ou peut-être 2014, le château-collège de Buzancy sera promu « vitrine du département ». La classe ! « Le Conseil Général pourrait le céder pour 1€ symbolique. Mais qu’en ferons-nous ? On veut des réponses, des compensations ». En tout cas, les élèves migreront dans un premier temps sur Grandpré… ou ailleurs, Charleville, Rethel, Raucourt ou dans la Meuse. « Dans les années à venir, on aura de moins en moins de gamins à emmener », conclue le maire, en bon chauffeur. « En étant très optimiste, Grandpré fermera dans 5 ans ». Et c’est tout un ecosystème qui chutera avec, malheuresement.

Par Pauline Godart.

Article paru sur « Le Mag’ info Ardennes – N. 74 du samedi 23 mars au vendredi 5 avril 2013 »:

http://maginfo.fr/ardennes.html

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 A tous les niveaux

Où sont les 60 000 postes promis par François Hollande ? Sûrement pas dans les Ardennes. Et si aucun emploi (de prof) ne sera supprimé par l’Académie avec les prochains mouvements, il n’en sera pas créé non plus. Et parfois, c’est même la faute aux élèves si on ferme les écoles.

Ainsi des établissements de Fagnon et Neuville-les-This, regroupés depuis 2007 et comptant aujourd’hui 52 élèves (17 seulement à la maternelle de Neuville). Conséquences : par manque d’effectifs, ces écoles rurales sont directement exposées à la menace de fermeture de classe. Le territoire se peuplerait alors de « villages dortoirs ».
Afin d’être au plus près de la réalité des effectifs à la rentrée, le groupe d’action formé autour des parents d’élèves demande à toutes les personnes qui envisagent d’inscrire leurs enfants à partir de 2 ans (chose plus difficile en ville), de se faire connaître rapidement. Atouts des petites classes : pédagogie adaptée, cantine et garderie très modérées, intégration plus facile des familles sur le territoire, environnement stimulant.

Quant à la réforme des rythmes scolaires en cours, toutes les mairies réfléchissent au lieur d’accueil et au moyen de financer le personnel de garde. Villers-Semeuse estime ainsi à 35 000 Euros par an le coût des Homes pour ses 5 écoles. « On n’est pas prêt. Ce sera pour 2014 ». D’ici là…

Article paru sur « Le Mag’ info Ardennes – N. 74 du samedi 23 mars au vendredi 5 avril 2013 »:

http://maginfo.fr/ardennes.html

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